Paris, le 8 août 2008.
1. L'augmentation autoritaire périodique du SMIC.
Un décret n°2008-617 du 27 juin 2008 (JO du 28 juin 2008) a fait
passer le SMIC horaire
* brut de "cotisations sociales 'employé'" :
de 8,63 à 8,71 euros ;
* net de "cotisations sociales 'employé'" :
de 6,78 à 6,84 euros
(cf. ministère de l’Emploi, de la cohésion sociale et du logement ou
URSSAF).
Soit dit en passant, créé en 1950 par la loi relative à la fixation des
salaires, le "salaire minimum interprofessionnel garanti" (SMIG) avait comme
objectif essentiel de garantir à tout salarié un "minimum social", c’est-à-dire
un certain niveau de revenu.
Le SMIG a été
modifié en1952 quand le gouvernement a accepté le principe de l’indexation du
salaire minimum sur l’indice des prix à la consommation suite aux pressions
exercées par les syndicats.
A partir de 1952, a été mis en place un processus d'ajustement automatique du
SMIG sur l’évolution des prix dès que celle-ci dépassait 5% depuis la date du
dernier ajustement.
La loi du 16
juin 1957 a ramené ce seuil de 5% à 2%.
Il a été modifié aussi en 1968 avec la décision d’uniformiser le SMIG en
supprimant les taux différenciés par zone d’une part, et en intégrant les
travailleurs agricoles dans le champ d’application du salaire minimum commun,
d’autre part.
La loi du 2 janvier 1970 a substitué au SMIG le "salaire minimum
interprofessionnel de croissance" (SMIC) qui a pour objet de garantir le
pouvoir d’achat des salariés du bas de l’échelle des salaires par le biais de
son indexation sur l’évolution du taux d’inflation.
Il a aussi pour objet d’assurer leur participation au développement
économique de la nation au moyen de l’attribution au salaire minimum de la
moitié, au moins, du pouvoir d’achat engrangé par le salaire moyen des
ouvriers.
La revalorisation légale du SMIC s’effectue au 1er juillet de chaque année en
fonction de l’évolution des prix à la consommation et du salaire horaire de
base ouvrier (SHBO ). A cette revalorisation minimale s’ajoute un éventuel coup
de pouce, à la discrétion du gouvernement.
Le SMIC a été instauré pour éviter l’érosion du salaire minimum qui augmentait
moins vite que les salaires réels moyens. Il visait à faire participer
les travailleurs les moins bien rémunérés à la croissance due en partie à leur
travail et à adapter l’institution après la revalorisation du SMIG (37,86 %)
consécutive aux événements de mai-juin 1968.
Pour toutes ces raisons, le salarié payé au SMIC se retrouve ainsi en juillet
2008 avec 0,06 euros en poche par heure normale travaillée de plus qu'en
juin.
2. "1,6 SMIC".
Pour autant que l'employeur a répercuté cette hausse à tous
les salaires jusqu'à 1,6 SMIC, l'employé qui gagne 1,6 SMIC
reçoit désormais près de 0,1 euro de plus en poche par heure normale
travaillée.
Pourquoi privilégier cet employé ?
Primo, parce qu'à partir de son salaire et pour les salaires plus
élevés, l'employeur ne "bénéficie" plus d'"allègements de charges".
Les salaires versés inférieurs à 1,6 fois le SMIC ouvrent droit à un allègement
des cotisations sociales "employeur" (maladie, maternité, invalidité,
vieillesse, décès, accident du travail et allocations familiales).
Accessible à toutes les entreprises, le dispositif (dit réduction "Fillon")
peut, le cas échéant, être cumulé avec la nouvelle réduction des cotisations
"employeur" applicables au titre des des heures supplémentaires
Secundo, parce qu'on peut, sans difficulté de calcul ni hypothèse,
faire apparaître le prix du travail de l'employé payé par l'employeur, un prix
que l'employé ignore : il suffit d'ajouter au salaire brut les charges
faussement dénommées "employeur", dénomination étonnante dont les gens du MEDEF
ou des syndicats non patronaux, les politiques et beaucoup de dirigeants
d'entreprises continuent à se satisfaire.
En d'autres termes, en août 2008, pour l'employeur, le prix du travail de
l'employé payé 1,6 SMIC n'est pas
(6,84 x 1,6=)
10,9 euros l'heure,
ni même (8,71
x 1,6=)
13,9 euros l'heure,
mais
18,5 euros l'heure
(=8,71 x 1,6 x (1+0,325))
où 0,325 représente la somme des différents taux en % de "cotisations sociales
'employeur'"
13,1+5,4+1,6+8,3+0,1+4,
assurance-chômage comprise) -
Le prix du travail horaire du salarié payé 1,6 SMIC est, en fin de compte, pour
l'employeur, une sortie de trésorerie de 18,5 euros ; le salarié en
retrouve 10,9 sur son compte bancaire, les 7,6 euros restant allant dans la
caisse de l'Etat - le "Trésor public" - ou dans celle de l'ACOSS.
3. Le mensonge institutionnel.
En quoi consiste précisément le mensonge institutionnel ?
Il est double.
On dit au salarié payé 1,6 SMIC que son salaire horaire - brut - est de (8,71 x
1,6=)
13,9 euros
alors qu'en réalité, - complet -, il est de
18,5 euros
et on lui cache ce fait.
Preuve d'actualité s'il en est besoin : reportez-vous aux multiples sources sur
Internet ou ailleurs qui ont évoqué l'augmentation du SMIC, aucune n'évoque ce
point.
On ne dit pas au salarié que, un beau jour dans le passé, en 1946, le
législateur lui a enlevé la maîtrise du revenu qu'il tirerait de son travail,
en l'espèce de ces 13,9 euros, et qu'ainsi il ne pourrait plus dépenser selon
son bon plaisir que ce qu'il retrouverait sur son compte en banque, "dans sa
poche", à savoir 10,9 euros.
Dans le pire des cas, on l'informe qu'on lui "prélève"
3,9
euros
alors qu'en réalité, on lui en vole
7,6 euros,
près du double !
4. Les oublis sélectifs.
Et le mensonge institutionnel renvoie à des oublis sélectifs (ou à l'ignorance).
On ne souligne pas qu'à l'occasion de leurs dépenses en biens ou en maux, les
10,9 euros incluent des paiements de TVA ou d'autres taxes à l'Etat.
Autant d'euros en moins qui pourraient acheter d'autres biens.
On passe sous silence que, dépensés ou épargnés, les 10,9 euros sont d'abord un
revenu et en tant que tel, ils sont imposables et vont donner lieu à un
paiement d'impôts à l'Etat (au titre des "contributions directes").
Autant d'euros en moins sur ceux qui restaient des 10,9 !
Bref, l'employé payé 1,6 SMIC ne dépense pas en biens ou maux les 10,9 euros
qu'il obtient sur son compte bancaire, mais beaucoup moins. Il ne le sait
pas, on le lui tait !
5. La bonne conscience est hors de mise.
Le prix du marché du travail est ce qu'il est.
L'augmentation autoritaire périodique du SMIC ne saurait dissimuler les pertes
de pouvoir d'achat qu'elle occasionne.
Par exemple, dans de mauvaises conditions conjoncturelles, l'augmentation du
SMIC, prix d'un compartiment du marché du travail, est source de chômage
supplémentaire.
L'augmentation du SMIC ne saurait non plus dissimuler les pertes de pouvoir
d'achat qu'occasionne la machine fiscale française.
Par exemple, dans le cas de la personne payée 1,6 SMIC (=18,5 euros l'heure),
si le rouage de la machine fiscale qu'est l'organisation de la sécurité sociale
n'avait pas été revue et corrigée depuis son organisation en 1946 (multiples
variations des cotisations obligatoires en nombre, en assiette, en plafond, en
taux), ce n'est pas de
10,9
euros l'heure
dont elle disposerait aujourd'hui, mais de
[18,5 (1- 0,28)=]
13,3 euros l'heure.
Elle aurait donc un pouvoir d'achat supérieur de 20 % !
En d'autres termes, par rapport à 1946, l'organisation de la sécurité sociale
obligatoire actuelle lui fait supporter une perte de pouvoir d'achat
de 20% (cf. en complément
ce texte).
On peut bien sûr faire bonne figure dans une telle situation. Mais on ne
saurait avoir bonne conscience d'une telle situation car la perte ne pourra que
s'accroître jusqu'à ce que le rouage soit abandonné.
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